Les lacs Memphrémagog et Brome, joyaux de l’Estrie, attirent depuis quelques années une clientèle très sélecte : dirigeants d’entreprises, artistes, sportifs et entrepreneurs. Mais derrière les façades luxueuses et les résidences de rêve, l’arrivée de ces nouveaux propriétaires entraîne parfois des frictions sociales, des conflits juridiques ou des dommages environnementaux inquiétants.
Une flambée immobilière qui divise

À Memphrémagog, la valeur des propriétés avec accès au lac a bondi de 50% en un an, propulsée par des acquisitions spectaculaires de figures comme Éric Martel (ex-PDG de Bombardier), Kristopher Letang (hockeyeur), ou Paul Desmarais Jr. Or, les nouveaux riches propriétaires ne se contentent pas de rénover les maisons existantes : ils multiplient les projets immobiliers de luxe, entre condos haut de gamme, « condotels » pour Airbnb et domaines luxueux. Pour les habitants de longue date, cette flambée immobilière exacerbe les tensions et menace l’équilibre fragile de l’écosystème.
Des conflits avec les entrepreneurs et la justice
Certains projets font déjà l’objet de litiges. Le domaine de Robert Gratton, ex-patron de la Financière Power, est en construction quasi ininterrompue depuis 15 ans, aux abords du lac Memphrémagog. Depuis 2018, six hypothèques légales de construction et plusieurs poursuites ont été déposées par des entreprises locales. Même les entrepreneurs finissent par être payés après des années de procédures.

À Lac-Brome, la controverse prend une tournure similaire. Pierre Beaudoin, président du CA de Bombardier, a fait couper la tête d’une centaine d’arbres sur un terrain municipal pour améliorer la vue sur sa résidence. Le maire Richard Burcombe a été clair : aucune autorisation n’avait été donnée pour intervenir sur cette propriété. Le dossier pourrait aboutir à des poursuites judiciaires.

Plus récemment, Glenn Chamandy, PDG de Gildan, a été sommé par la Commission de protection du territoire agricole (CPTAQ) de cesser la construction illégale d’un terrain de golf sur sa propriété à Austin, près du lac Memphrémagog. La Commission a constaté la coupe à blanc de 4,5 hectares, l’abattage d’érables protégés et l’aménagement d’allées et d’un petit lac artificiel, en violation de la Loi sur la protection du territoire agricole. Le couple Chamandy-Murad conteste la décision devant le Tribunal administratif du Québec.

Johanne Lavoie, présidente de Memphrémagog Conservation inc. (MCI), s’insurge : « Nous avons affaire à des gens fortunés qui se comportent comme si le territoire qu’ils occupent n’avait aucune valeur écologique. Ils ont beaucoup de moyens, mais personne n’est au-dessus des lois. »
L’environnement en ligne de mire

Les projets de luxe fragilisent l’écosystème des lacs : chemins d’accès géants, marinas illégales, coupes massives d’arbres et travaux en zones protégées. Les observatoires de la qualité de l’eau signalent une multiplication des menaces, tandis que les municipalités peinent à faire respecter les règlements et à infliger des amendes, souvent jugées insuffisantes. L’enjeu dépasse l’esthétique : le lac Memphrémagog reste la principale source d’eau potable pour 185 000 habitants.
Entre prestige et responsabilité
L’arrivée des super-riches au lac Memphrémagog, et plus largement dans les Cantons-de-l’Est, modifie le paysage local. Ces projets immobiliers suscitent des débats autour de l’aménagement du territoire, de la protection de l’environnement et du respect des règlements municipaux. La question se pose : jusqu’où la richesse peut-elle façonner un territoire avant que le rêve devienne un danger pour ceux qui y vivent et pour la nature? L’enjeu dépasse les simples chiffres et permis : il s’agit de trouver un équilibre durable entre usage du territoire et responsabilité environnementale.
Pour les citoyens qui désirent jouir de l’Estrie mais dans un cadre plus modeste, voici une liste de condos en location ou en vente qui pourraient séduire et ce, à prix réaliste… voir la liste!