Au cours des 10 dernières années, le prix de vente moyen d’une maison au Canada a augmenté de 87% alors que le revenu disponible des ménages n’a augmenté que de 51%, selon Statistique Canada. Cette réalité rend l’accès à la propriété de plus en plus difficile pour les familles, particulièrement dans les régions prisées.
Face à cette situation, certains citoyens trouvent des solutions audacieuses et créatives pour rendre la propriété accessible. À Dunham, en Estrie, la création d’une fiducie foncière communautaire (FFC) permet à de nouvelles familles de devenir propriétaires sans subir la pression du marché spéculatif.
Un modèle basé sur l’accessibilité durable
L’idée, inspirée des community land trusts américains des années 1990, repose sur un principe simple : dissocier la maison du terrain. La fiducie foncière communautaire achète le terrain et y construit des maisons qu’elle revend ensuite, tout en restant propriétaire du terrain. Résultat : les acheteurs se libèrent du prix du terrain et se protègent des fluctuations spéculatives du marché.


À Dunham, quatre des six maisons prévues ont déjà été livrées, et les deux dernières seront complétées prochainement. Parmi les nouveaux propriétaires, Annie Lachapelle, qui payait 1 600$ par mois pour louer une modeste maison mobile, a acheté une maison neuve à 263 000$. Ses mensualités hypothécaires s’élèvent à seulement 1 063$, auxquelles s’ajoutent les impôts fonciers et de légères charges de copropriété. Une économie qui lui permet de libérer des ressources pour l’éducation de sa fille ou des projets de loisirs. « On pourra profiter de la vie », se réjouit-elle.
Une initiative portée par la solidarité et l’ingéniosité
La concrétisation du projet de Dunham a demandé autant de créativité que de solidarité. Sans dons ni subventions initiales, les fondateurs de la FFC ont dû faire preuve d’ingéniosité pour acquérir leur terrain. Sensible à la cause, un promoteur immobilier a accepté de vendre à prix d’ami un lot de trois acres à l’organisme à but non lucratif, baptisé Foncier solidaire Brome-Missisquoi. La municipalité a ensuite accordé une dérogation pour y construire six habitations, à condition qu’elles s’intègrent harmonieusement dans le paysage.


Pour réduire les coûts, l’organisme a fait un autre choix novateur : obtenir sa licence d’entrepreneur général, lui permettant d’embaucher directement ses propres ouvriers et de garantir les constructions selon les normes de l’APCHQ.
Enfin, le modèle assure aussi l’accessibilité de la propriété à long terme. Les acheteurs paient uniquement pour la maison et bénéficient d’un prix de revente encadré, basé sur un calcul préétabli. « Foncier solidaire Brome-Missisquoi rachète la propriété au même prix, mais indexé au taux directeur de la Banque du Canada. Le calcul prend aussi en compte les améliorations réalisées par les propriétaires au fil du temps », précise Élyse Cardinal, présidente du conseil d’administration de l’organisme. Les acheteurs sont ainsi assurés de récupérer l’ensemble de leur investissement lors de la revente.
Un modèle proche des coopératives d’habitation
La fiducie foncière communautaire partage plusieurs valeurs avec les coopératives d’habitation. À Sherbrooke, le projet Havre des Pins, mené par la Fédération des coopératives d’habitation de l’Estrie, montre qu’une autre voie est possible. Premier projet de copropriété coopérative au pays, ce développement de 120 unités rend l’accès à la propriété plus accessible.

Grâce à un investissement du Fonds coop accès proprio (FCAP) couvrant 25% des coûts de construction, les condos sont offerts à prix avantageux et les membres sont exonérés du paiement des droits de mutation (taxe de bienvenue). À la revente de l’unité, le propriétaire sortant récupère 40 % du gain en capital, 10 % est conservé par la coopérative de propriétaires et 50 % sert au remboursement du FCAP. Le modèle protège donc la valeur du projet en la redistribuant au bénéfice de ses membres et de la structure collective.
Penser le logement autrement
Que ce soit par le biais d’une coopérative, d’une FFC ou d’une habitation communautaire, ces modèles démontrent que des alternatives concrètes existent pour préserver l’accessibilité et la stabilité du logement. Ils invitent également à considérer l’habitation non plus comme un simple investissement financier, mais comme un droit fondamental.
Pour découvrir d’autres initiatives inspirantes pour contrer la crise du logement, comme celles de l’organisme Toit à moi Canada ou les minimaisons construites à Baie-Saint-Paul, consultez le blogue latwist.immo.



































