Dans le quartier Centre-Sud de Montréal, un petit condo de la rue Ontario devient le symbole d’une grande idée. Grâce à Toit à moi Canada, un organisme tout juste implanté au Québec, une femme qui a vécu l’itinérance s’apprête à retrouver la stabilité d’avoir un chez-soi.
Derrière cette initiative : Serge Lareault, une figure bien connue du milieu communautaire montréalais. Après 20 ans à la tête du journal L’Itinéraire et neuf ans comme commissaire à l’itinérance de la Ville de Montréal, il passe à l’action avec une nouvelle approche : acheter des condos sur le marché privé pour loger des personnes en transition. Une solution moins coûteuse qu’un projet immobilier traditionnel, et surtout, beaucoup plus rapide à déployer.
Un modèle inspiré de la France
L’idée prend racine à Nantes, en France, où Toit à moi est né il y a 15 ans. Depuis, près de 90 logements accueillent des personnes anciennement itinérantes dans plusieurs villes de l’Hexagone. En important ce modèle au Québec, Serge Lareault et son équipe veulent proposer une alternative concrète à la crise du logement.

Le financement des condos repose sur un modèle participatif : des donateurs, appelés parrains et marraines, s’engagent à verser 25 ou 30$ par mois. Avec environ 35 donateurs par unité (environ 12 000$ par année), Toit à moi Canada réussit à couvrir une partie de l’hypothèque et des frais liés au condo. En échange, une personne vulnérable accède à un logement sécuritaire, à faible coût, accompagné d’un soutien social.
Pour lancer le projet, l’organisme a établi des partenariats avec Le Chaînon, Mission Bon Accueil et la Maison du Père, trois piliers de l’intervention communautaire à Montréal. Ensemble, ils identifient les personnes qui bénéficieront de ce nouveau départ. C’est une première au Québec.
Une approche qui mise sur la dignité et l’accompagnement
La première locataire de Toit à moi Canada, Nicola, emménagera bientôt dans un studio situé à deux pas du métro Frontenac, au cœur d’un quartier bien desservi par les ressources communautaires. À plus de 60 ans, après avoir perdu son emploi et connu l’itinérance, elle entrevoit enfin un quotidien stable.

Jusqu’ici, elle habitait une maison de chambres de l’organisme Le Chaînon, où elle partageait les lieux avec d’autres femmes en transition, encadrées par des intervenantes. Ce filet social ne disparaît pas avec son déménagement, au contraire. L’accompagnement se poursuit avec un soutien personnalisé pour faciliter son intégration aux ressources essentielles : banques alimentaires, activités communautaires et repères dans le quartier. L’objectif est clair : prévenir l’isolement et favoriser une autonomie durable.
Une formule innovante pour répondre à l’urgence
Acheter un condo, plutôt que construire un immeuble, c’est une stratégie qui évite les délais de construction et réduit les coûts. Selon Serge Lareault, une unité de logement social neuve peut coûter entre 450 000 et 500 000$. Le condo acheté par Toit à moi Canada? 280 000$, prêt à habiter. Le tout, sans attendre des années de financement gouvernemental.

Deux autres condos sont en cours d’acquisition et une campagne de financement est en préparation pour multiplier les logements. Avec l’appui de donateurs privés, dont la Fondation famille Gauthier, le projet est en voie de prendre de l’ampleur.
Une réponse de proximité à une crise bien réelle
Alors que plus de 10 000 personnes vivent l’itinérance au Québec, le projet tombe à point. Selon les objectifs du gouvernement, 5 000 personnes devraient sortir de la rue cette année. Pour y arriver, il faudra innover et surtout, croire que chaque logement, chaque clé remise, peut changer une trajectoire de vie.
Et parfois, tout commence par un petit condo de la rue Ontario.
Pour en savoir plus sur les initiatives déployées pour répondre à la crise du logement et à l’itinérance, comme la conversion d’anciens presbytères en logements sociaux, rendez-vous sur le blogue latwist.immo.