Le prolongement tant attendu de la ligne bleue du métro de Montréal s’accompagnera d’une transformation urbaine majeure. Au cœur de cette métamorphose se trouve le promoteur immobilier Vincent Chiara et son entreprise, Groupe Mach, qui s’apprêtent à redéfinir le paysage urbain de Saint-Léonard.

Groupe Mach prévoit la construction de huit tours résidentielles aux intersections des boulevards Langelier, Lacordaire et de la rue Jean-Talon. Ces immeubles, dont certains atteindront jusqu’à 25 étages, dépassent largement les normes actuelles de hauteur, fixées à 6 ou 10 étages dans ces secteurs. Cette densification s’inscrit dans un plan plus vaste de la Ville de Montréal visant à créer environ 25 000 logements dans ce nouveau quartier, une expansion équivalente à la taille de la ville de Beloeil.
Quand la loi pave la voie à des projets hors normes
Ces développements sont rendus possibles grâce à une nouvelle loi provinciale adoptée en février 2024, qui permet aux municipalités de plus de 10 000 habitants de déroger à leurs règlements d’urbanisme pour faciliter la réalisation de projets résidentiels. Cette législation, surnommée « article 93 », empêche également les citoyens de contester ces projets par voie de référendum.

Les projets de Groupe Mach du secteur Langelier bénéficient de nombreuses dérogations aux normes d’urbanisme en vigueur. Parmi celles-ci, la réduction de la taille minimale des logements à 23 m² (247 pi²), bien en dessous du standard actuel de 37 m² (398 pi²), l’absence d’exigences minimales pour les bornes de recharge de véhicules électriques et la suppression de l’obligation de verdissement de 50% des cours avant. De plus, les ascenseurs pourront être partagés entre les espaces résidentiels, commerciaux et institutionnels, contrevenant aux règles habituelles qui exigent des entrées distinctes.
Des dérogations qui soulèvent des questionnements
Lors de l’adoption de la loi 93, plusieurs urbanistes et architectes du Québec ont exprimé leurs préoccupations quant à l’impact potentiel de cette législation sur la planification urbaine. Gérard Beaudet, professeur à l’Université de Montréal, critique cette tendance des promoteurs à négocier systématiquement les règles d’urbanisme, mettant en lumière la position de faiblesse des municipalités face à la crise du logement. Il souligne également que la réduction de la taille des logements pourrait limiter la mixité socio-économique et l’accueil des familles : « Ce genre de format attire toujours le même profil d’acheteurs ».

Les règlements d’urbanisme des secteurs visés avaient pourtant été revus récemment, après plusieurs années de consultations. Les citoyens, urbanistes et décideurs avaient défini ensemble des balises pour le développement de ces quartiers. Des balises désormais contournées.
Un nouveau Griffintown en devenir?
Certains comparent déjà le secteur Langelier à un futur Griffintown. Le précédent n’est pas rassurant : un quartier densifié à vitesse grand V, sans école, sans rue élargie et sans services adéquats. Entre 2007 et 2023, c’est 9700 logements qui ont vu le jour à Griffintown, soit beaucoup moins que ce qui est prévu pour l’est de Montréal.

Malgré ces préoccupations, la Ville de Montréal avance avec son plan de développement du secteur, présenté en avril dernier, qui envisage la transformation des centres commerciaux existants en un quartier densément peuplé, avec des dizaines de tours d’habitation. Groupe Mach, qui possède plus de 40% des terrains dans ce secteur, y jouera un rôle central. La Ville prévoit aussi l’aménagement d’une grande place publique autour de la station Langelier, ainsi qu’un vaste réseau piétonnier et cyclable le long du boulevard, facilitant l’accès au métro depuis le quartier.
Construire rapidement, mais à quel prix?
L’adoption de l’article 93 facilite la réalisation de logements, mais soulève aussi des questions sur la transparence des processus, la cohérence urbaine et la pérennité des milieux de vie créés. Dans un contexte de crise du logement, accélérer la construction apparaît nécessaire. Mais encore faut-il que cette densification s’accompagne d’infrastructures adéquates, d’espaces verts, de services de proximité et d’une diversité de typologies résidentielles. Autrement dit, l’urgence ne devrait pas écarter l’ambition d’un urbanisme durable et équitable.
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